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d’oie. Les graillons au lard de porc ne sont qu’une ratatouille dégueulasse à côté de ça ! Bien entendu, faut qu’ils soient grillés à vous avoir une petite couleur d’or, à la manière juive. Et ils s’y connaissent, les Juifs. Ils achètent une oie bien grasse, ils lui enlèvent la peau et ils la font griller au feu dans son jus, ensemble avec le saindoux.

— Pour les graillons de porc, fit observer le voisin de Chvéïk, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Il est entendu que je vous parle des graillons de porc faits à la maison, avec un cochon qu’on a engraissé soi-même. Comme couleur, faut qu’ils soient pas trop bruns ni pas trop blonds. Une nuance entre les deux, quoi. Faut aussi qu’ils soient ni trop durs, ni trop mous. Surtout, faut pas qu’ils croquent sous la dent, parce qu’alors c’est qu’ils sont brûlés. Ils doivent fondre sur la langue, et faut pas que le saindoux vous coule du menton.

— Est-ce que quelqu’un de vous a déjà mangé des graillons de lard de cheval ? fit une voix.

Mais personne ne répondit, parce qu’à ce moment-là le sous-officier du service sanitaire poussa brusquement la porte et cria :

— Tous au lit ! il y a ici une archiduchesse qui vient en visite officielle. Surtout, tâchez ne de pas montrer vos pieds sales !

Une archiduchesse authentique n’aurait pu faire son entrée dans la chambrée avec un visage plus grave et plus sérieux que celui de la baronne von Botzenheim. Derrière elle marchait toute une suite finissant par le sergent de la comptabilité, qui voyait dans cette visite la main mystérieuse de l’autorité suprême et s’attendait à être expulsé