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Ah ! bien, on m’a foutu pour quinze jours en cellule, et pendant deux jours je me suis tortillé comme un Lazare, ficelé comme un saucisson. Mais, la discipline à la caserne, je ne connais que ça, il en faut, voyez-vous. Notre colonel Makavoc nous disait toujours : « La discipline, tas d’abrutis, il la faut, parce que, sans elle, vous grimperiez aux arbres comme des singes, mais le service militaire fait de vous, espèces d’andouilles, des membres de la société humaine ! » Et c’est vrai ! Imaginez-vous un parc, mettons celui de la Place Charles, et sur chaque arbre un soldat sans discipline. C’est toujours ça qui m’a fait le plus peur.

— À Saraïévo, insinua Bretschneider, c’est les Serbes qui ont tout fait.

— Pas du tout, répondit Chvéïk, c’est les Turcs, rapport à la Bosnie et à l’Herzégovine.

Et Chvéïk exposa ses vues sur la politique extérieure de l’Autriche dans les Balkans. En 1912, les Turcs ont été battus par la Serbie, la Bulgarie et la Grèce. Ils avaient demandé à l’Autriche de les aider, et, comme l’Autriche ne marchait pas, ils viennent de tuer Ferdinand. Voilà.

— Est-ce que tu aimes les Turcs, toi ? ajouta Chvéïk en s’adressant au patron ; est-ce que tu les aimes, ces chiens de païens ? N’est-ce pas que non ?

— Un client en vaut un autre, dit Palivec, même si c’est un Turc. Pour nous autres commerçants, il n’y a pas de politique. Tu paies ton litre, tu as ta place chez moi. Tu as le droit de gueuler autant que tu veux, jusqu’à la Saint-Trou-du-cul. Voilà mon principe. Que le type qui a fait le coup à Saraïévo soit un Serbe ou un Turc,