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bres, la gravité de son style, il semblait abriter, sous sa large coupole, toute la pensée valmontaise.

— La bibliothèque ! indiqua Marcel. Nous y venons tous pour y apprendre à penser, à aimer et à souffrir. C’est ici que l’âme de ce peuple avide de vivre toute sa vie se délecte et s’agrandit ; c’est ici, dans le recueillement de ces pierres silencieuses, entre ces murs couverts de livres rangés comme pour la parade, devant ces volumes dont les feuillets sentent bon le papier vieilli, palpitant de tout le passé de l’humanité, qu’on va trouver l’idée et la sensation qu’il nous faut, le frôlement du génie, ce baiser de l’esprit, plus troublant et plus ineffaçable que les baisers de la chair ; c’est ici que nous prenons conscience de ce que nous sommes, de ce que nous devons être, de ce que nous pouvons être, que la vie a un sens et une valeur, que nos cerveaux sont grands comme un monde où il y a des firmaments pleins d’étoiles, que toutes les clartés qui ont lui et qui luisent encore, que tous les frémissements de jouissance, de douleur et d’enthousiasme, que les fièvres qui ont brûlé les sociétés, que toutes les craintes qui ont donné la chair de poule à l’humanité, que toutes les amours et les voluptés, les beautés et les hi-