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les autres ? Y a-t-il un seul de nos compilateurs de manuels qui ait surpassé le talent d’imitation de l’oiseau de Robinson ? Y a-t-il un seul de nos vulgarisateurs qui ait égalé le conducteur de son du phonographe Victor ?

« Et nos hommes de lettres ? Pas un seul de nos écrivains n’a encore fait tressaillir l’âme des civilisés. Nos génies, étouffés par le « struggle for life », ont donné des airs de guimbarde au lieu de sonneries de clairons. Nos imprimeries ont été longtemps noyées dans le mugissement de nos vaches, le hennissement de nos vieux chevaux, la rentrée des sarrasins canadiens. Vingt-cinq ans durant, nous avons fait de la folkloromanie comme d’autres font de la neurasthénie. Qui a senti l’âme de la race ? Qui l’a saisie dans toute sa grandeur sauvage ? Qui l’a exprimée ?

« Pourquoi avons-nous ainsi raté les lettres canadiennes ? Parce que nous avons oublié notre petit catéchisme. « L’homme est un être composé d’un corps et d’une âme. » L’âme qui s’éveille à la vie doit d’abord subir une loi de chair et d’os, et c’est pourquoi il est nécessaire de cultiver le corps de l’enfant avant son esprit. Alimenté au sein maternel, il se fait du sang et des muscles, et, en fortifiant la ma-