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les lèvres pâlies, la gorge serrée. Elle n’avait pas interrompu Odile, qui, racontant sa pénible histoire, s’arrêtait parfois pour sangloter. Le récit terminé, les deux femmes se regardèrent en silence, et elles comprirent qu’elles étaient également frappées. La malheureuse pleurait éperdument, et sa protectrice, incapable encore de parler, la consolait en lui caressant les cheveux. Enfin, elle murmura : « Pauvre enfant !… »

— Vous me pardonnez ?… Que c’est bon, le pardon !… Mais eux… ils ne pardonneront jamais, jamais.

Eux ! C’était pour elle le redoutable : son père et sa mère qui ne comprendraient pas et qui rougiraient de prononcer son nom ; ses compagnes, ses amies d’enfance qui passeraient près d’elle sans la regarder, sans la saluer ; la légion des commères et des vieilles filles qui prendraient un plaisir diabolique à colporter son ignominie ; les mères disant à leurs filles : « Prends garde de tourner comme Odile ! » Eux ! Ce mot exprimait, dans ses trois lettres hypocrites et venimeuses, la psychologie d’une catégorie de féroces Agnès.

La protectrice pénétra au fond de cette angoisse.

— Ma petite fille, sois sans inquiétude ; je