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place, cinq médiocres, deux déracinés et quatre ratés. »

« Ici, mon directeur voulut protester. Je l’interrompis. « Depuis plusieurs mois, lui dis-je, j’étudie ces jeunes gens. Presque tous, ils ont douté jusqu’à en faire de la neurasthénie. On leur demandait : « Qu’est-ce que tu vas faire ? » Ils répondaient : « Est-ce que je le sais ? » Et on les sentait pleins d’angoisse.

« Le doute ne lâche même pas sa victime après que le jeune homme a choisi sa carrière. Il le poursuit jusque sous la soutane ou le béret. Vous, dans le langage ecclésiastique, vous dites que tel ou tel n’a pas suivi sa voie. Des voies ! En avez-vous tracé ? Vous vous êtes bornés à entretenir trois ou quatre sentiers battus, et depuis un demi-siècle et plus que tous les collégiens du pays s’y poussent et s’y bousculent, le nombre des ratés, des médiocres et des déclassés a eu le temps de devenir épidémique. Ceux-ci, comme les autres humains, avaient des aptitudes, un tempérament, des facultés utilisables, un principe moteur les déterminant à une fonction sociale. Il appartenait à l’éducateur de canaliser ces énergies.

« — Mon ami, me répondit le directeur,