Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Telle était la pensée de Marcel Faure au moment où le train arrivait à la gare du Palais. Fils d’un père canadien-français et d’une mère anglaise, il avait une conception nette des qualités et des défauts des deux races. Si l’une manquait d’idéal, l’autre était dépourvue de sens pratique. Or, dans un pays naissant, les questions pratiques priment tout : défricher, cultiver, agrandir, fonder, conquérir, bâtir, outiller, créer la richesse, cela requiert des volontés déterminées et des prodiges d’organisation. Cette volonté et ce prodige se trouvaient en Marcel.

Il était bien l’homme capable de faire pénétrer les éléments nouveaux dans l’âme canadienne. Sans abandonner l’idéalisme français, charme de la vie, il avait su concentrer ses facultés sur les questions d’affaires. Son père, marchand intelligent et tenace, l’avait initié de bonne heure à l’administration commerciale. À douze ans, il connaissait parfaitement la provenance, la qualité et le prix des diverses marchandises ; il pouvait tracer l’histoire de chaque article emmagasiné chez lui. Une foule de constatations quotidiennes l’attristaient. Plus que tout autre, il se rendait compte que la plupart des objets nécessaires à la vie ou au confort de la civilisation était importés de l’é-