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crinière de fierté, à l’heure où le reste de l’univers était voué aux viles insensibilités du sommeil et de la nuit ; il avait combattu, il avait versé le sang, le sien et celui des autres, franchi des collines de lumière et de joie où les cavales blanches exultaient à l’entendre hennir ; il était l’aventurier de race, celui qui n’a sa raison d’être que dans la recherche de l’inconnu, des obstacles à vaincre, des victoires à gagner. Mais du moment qu’il vit la plaine s’étendre très douce et très pacifique devant ses sabots guerriers, il entendit, de toutes parts, de pressants appels à l’apaisement de la vie. Il les écouta. Il se coucha parmi les foins parfumés, brouta l’herbe stupéfiante, puis, repu, se figea dans le souvenir de sa merveilleuse chevauchée. Il manqua dès lors à sa destinée, car, dans la prairie aux horizons infinis, il avait encore à conquérir des espaces enchantés, et son front pouvait fendre l’air des mystères lumineux et sauveurs.

« Les Canadiens-Français ont péché, le jour où, trompés par l’apparente accalmie de leur histoire, ils crurent qu’ils étaient au terme de la géniale folie qui avait amené ici les premières voiles gonflées par un vent d’épopée. Nos ancêtres avaient conquis et civilisé un pan du globe ; mais cette conquête était toute en sur-