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Savamment, poliment, avec des mots doux et des caresses, l’âme anglaise a fasciné notre nature de Gaulois. Grâce à son don d’ubiquité, attribut divin qu’elle semble avoir acheté du Créateur, elle nous a constamment obsédés, après nous avoir conquis. Elle a fini par démoraliser l’âme nationale, qui a perdu confiance en elle-même et a conçu une admiration sans bornes pour ses maîtres. Le dernier hoquet de fierté a râlé en mil huit cent trente-sept, après l’éclair de Louis-Joseph Papineau ; mais les combats de Saint-Charles et de Saint-Denis n’étaient que des réveils momentanés d’une léthargie déjà commencée. À partir de ce jour, nous ne nous appartenions plus : nous n’étions que le chien de chasse faisant lever le gibier pour le seigneur. Des étrangers nous possédaient : ils eurent notre main-d’œuvre pour agrandir leur commerce et leur industrie ; ils eurent nos capitaux par centaines de millions pour abreuver leurs institutions financières et les armer contre nous ; ils eurent nos forêts, nos montagnes, nos rivières, tout, jusqu’à l’intégrité de notre langue, jusqu’à notre avenir.

« Au fond, l’histoire de notre race est une aventure. C’est le génie d’aventure, qui, au dix-septième siècle, poussa quelques milliers