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MARCEL FAURE

même, elle devait parcourir les bureaux de placement de la grande ville. En prenant le premier train, Marcel pouvait arriver assez tôt pour la retracer.

À une heure, ce même jour, Faure partait pour Montréal. Dans le train, il lui sembla que la locomotive restait sur place, tant il avait hâte d’être au terme.

Au cours de ce douloureux voyage, ses réflexions l’amenèrent à mieux comprendre les phénomènes psychiques qui avaient régi son existence. La solitude de la chair est incompatible avec la vie d’un homme du monde jeune et normal. Il venait d’en faire l’expérience. Pendant les dix années où tant d’idées et tant d’œuvre avaient jailli de son intelligence et de sa volonté, il avait cru que le secret de sa force résidait dans ses abstentions vis-à-vis le sexe. Si l’action continuelle où tourbillonnaient ses facultés n’avait pas trouvé d’entraves, pensait-il, c’est qu’il n’avait jamais été troublé par la vue d’une femme. Il s’était leurré. S’il avait agi avec ardeur et passion, c’est qu’il avait eu, à ses côtés, un amour fait à l’image de son idéal, c’est que, sans le savoir, il avait sa préférée ; mais, sa chair étant restée seule, il avait été faible, un jour. Germaine, femme de génie, avait eu assez d’empire pour lui donner