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L’AMOUR VEILLE
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Didier se lève enfin au milieu des acclamations de la droite et des imprécations de la gauche. La face impassible, le regard ironique, il dévisage cette foule hurlante, qui, bientôt, semble domptée par son assurance. Il commence :

« La société, fatiguée de combattre et rendue folle à force de contempler ses plaies et de lécher ses blessures, veut la paix et la guérison. La paix ! elle nous sollicite de toutes parts, et quand elle demande aux hommes de s’unir pour le travail et le progrès, de devenir la communauté universelle où la justice et la charité deviendront la loi unique, nous nous retranchons dans les férocités de l’atavisme, oubliant qu’il est inutile et insensé de mettre des entraves à la formidable évolution qui pousse les hommes vers l’égalité.

« On a dit de nous que nous sommes les démolisseurs de l’ordre et les destructeurs de l’équilibre social. Pour prouver cette assertion, il faudrait d’abord établir que la société actuelle jouit de l’ordre et qu’elle est plutôt équilibrée qu’équilibriste. N’est-elle pas convulsée de coliques et secouée par une fermentation de colères terribles ? N’est-elle pas depuis des siècles, selon l’expression d’un Clémenceau, « sur des pointes de rasoir » ? N’est-elle pas tiraillée,