Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle attaqua ensuite des sujets plus profonds et plus passionnés. Les jeunes gens avaient la bouche tendue vers elle, comme pour boire sa voix, toute sa voix, avec ses plaintes amoureuses, ses élans aigus comme des pointes de feu, ses ondes allongées comme celles d’une large cloche de cristal. À mesure que son âme montait au paroxysme de la douleur ou de l’ivresse, de la volupté ou du dégoût, de l’apaisement ou de la frénésie, son visage se transfigurait, et l’on y voyait le souffle fougueux de la grande passion. Tout son corps avait des frémissements spasmodiques.

Marcel la regardait, immobile et attentif au charme qui coulait en lui-même, avec cette voix qui s’exaltait dans la véhémence des passions extrêmes. Il se disait : « C’est pour moi seul qu’elle chante. » Il en éprouvait une sensation exquise sur laquelle il fermait les yeux pour la mieux savourer.

Germaine a chanté ses dernières notes. Des gerbes de fleurs jaillissent sur la scène, au milieu des bravos. Elle disparaît en envoyant des baisers à la foule. Marcel s’élance derrière la scène où il la trouve tout tremblante de son dernier effort. Elle lui dit : « Jamais je n’ai mieux chanté dans les grands centres du monde. »