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nous venons nus en ce monde. Les grandes inégalités sociales sont donc injustes. Le temps est venu où celui qui travaille et qui peine doit avoir sa revanche et arracher au capital des profits qui n’appartiennent qu’à ceux qui les ont gagnés… » Sa mémoire l’aidait admirablement ; il s’assimilait rapidement ses lectures, et il servait si bouillantes les idées plagiées que ses auditeurs avalaient tout avec un appétit naïf.

Quand Germaine lui avait dit ironiquement : « Tu les aimes beaucoup, tes ouvriers ! » il avait répondu : « Je les adore ! Tas de quadrupèdes nés pour être tondus ! Mécontents si on les sert bien, prêts à vous lécher la main si on les mène à coups de bottes dans le dos ! Ils me payent vingt mille dollars, bon an mal an, à la condition de les tromper, les affamer ou les vendre. Les bonnes bêtes ! Pipées par moi ou par d’autres, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Au reste, je ne suis pas malhonnête. Je ne crois à rien. La question sociale, quelle blague ! Dans la vie, vois-tu, il n’y a de vrai que l’argent et la femme. »

— C’est horrible, parler de la sorte !… S’ils savaient que tu te moques d’eux ?…

— Ils sont lents à savoir. Je puis devenir deux fois premier ministre avant qu’ils se ré-