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… MAIS LA CHAIR EST FAIBLE


La session provinciale s’est ouverte le dix janvier. Il y a de la poudre dans l’air. Le premier ministre, Raoul Didier, tribun populaire, surgi des rangs de la plèbe dont il a conservé le verbe rude et le mot brutal, gravit les degrés du pouvoir avec un bloc solide d’ouvriers et quelques moutons détachés des groupes démocrates et agraires. L’opposition, d’autant plus faible et nerveuse qu’elle manque d’unité, appréhende cet adversaire à bel aspect physique et à parole chaude.

Grand et sec, large d’épaules, les traits réguliers et le regard expressif, très dégagé dans ses mouvements et dans ses gestes, Didier sait se pencher sur les foules et faire passer en elles des convictions qu’il n’a pas. Il est doué de cette éloquence à effet, qui, si longtemps, fut la plaie de la politique canadienne. Il se moque de tout et de tous, excepté de lui-même.

Il y a trois ans, il avait connu, à Montréal,