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leur avait appris qu’ils étaient les premiers-nés d’une société nouvelle.

« La race de demain, se disait-il, comme elle est grande et belle, à côté de la race ancienne ! Elle flotte au-dessus des préjugés comme le parfum d’une terre qui fleurit et qui aura des fruits ; l’autre est cristallisée. Après avoir amassé, au prix du travail et du sang, un capital immense de mérites et d’influence, l’ancienne s’est enlisée dans sa richesse, comme un avare enseveli sous ses trésors. À force de ne plus bouger, elle s’est crue éternelle, elle a eu foi en l’absolu de ses pensées et de ses œuvres, comme en l’absolu de Dieu même. Et tandis que tout marchait autour d’elle, son orgueil a rugi : « Qu’ils soient anathèmes, ceux qui vont vers l’inconnu ! Nous restons dans la clarté du passé. » Aujourd’hui, elle est loin derrière le monde, qui va sans cesse de l’avant sans détourner la tête. La vieille clarté s’est éteinte ; elle brillait jadis comme une tranche de soleil, mais elle n’a plus maintenant que la frayeur des nuits sans étoiles, perdue, désorientée, sur cette planète qui ne se souvient plus de les avoir enfantés. »

Marcel voit, dans l’avenir, un scintillement de rayons et de couleurs, une chaleur féconde qui fait éclater les chrysalides. Les titans pé-