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— C’est exact, ta beauté m’exaspère. Depuis quelques mois, je fais l’inventaire de mon cœur ; j’ai constaté qu’il y a chez moi un déficit de sentimentalité qui m’empêche de fonder un foyer et de créer la vie. Je me suis analysé, j’ai repassé une à une les femmes qui ont traversé mon existence. Pourquoi n’en ai-je aimé aucune ? Parce qu’entre elles et moi, une image préférée s’est interposée, la tienne, parce que je les ai comparées à toi et qu’aucune ne t’égalait. Partout où je porte mes pas, ma pensée, mon cœur, j’ai la hantise de toi, comme si tu étais le prototype de la femme. Plus tu entres dans ma vie, plus la comparaison que je fais entre toi et les autres est désavantageuse à celles-ci. Voilà pourquoi ta beauté m’exaspère.

— Marcel ! Ce que tu dis là me chagrine profondément… Si tu savais !…

— Quoi ?

— Rien… Mais je crois que tu exagères. Tu m’aimes… comme on aime sa petite fille… Ce n’est pas cela qui t’empêche d’aimer… d’amour.

— Ma Claire bien-aimée, j’ai peur de sentir vrai. Parmi les femmes que j’ai vues — plusieurs d’entre elles avaient de l’esprit et de la beauté — je n’ai pas aperçu l’unique, celle qui