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pour nous une caresse surhumaine… Ce qui m’étonne, mon vieux Marcel, c’est que tes trente-cinq ans sonnés n’aient pas fait surgir en toi le petit démon, c’est que tu n’aies pas cherché la femme qui sera tout pour toi et qui t’est nécessaire. »

— J’y ai songé… mais si peu, si peu… La cause que j’ai épousée, il y aura bientôt dix ans, m’a pris si intégralement que je suis sous l’impression que je n’ai pas le droit de détourner ma pensée de son cours.

— Pourtant,… il n’est pas vrai qu’on épouse une œuvre… L’idée, même si elle est matérialisée, ne donne pas à l’homme la chaleur de celle qui, en chair et en os, nous étreint. Il vient toujours un moment, dans l’existence, où le visage d’un être aimé se cristallise dans la pensée. On est frappé de son effigie à la fois dans le corps et dans l’âme, on est pris du désir d’absorber dans ses veines le fluide des regards brûlants ; on a soif de meurtrir des lèvres, de se noyer la face dans une chevelure qui sent bon, de se sentir vivre d’une même vie avec l’autre, le cœur battant au rythme des mêmes espoirs. Aucune œuvre ne saurait remplacer cela.

— Qui sait, dit Claire, s’il ne parlait pas de nous, le poète qui a dit :