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changé en feu limpide et lumineux ; des amas de gueuses et de rebuts ; un halètement de flammes soufflant en tempête au fond des fourneaux, comme un élément de vengeance, esprit des foudres mystérieuses emprisonnées dans des corps rugueux de glaise, de terre cuite et de brique à feu. Du feu, du feu, du feu ! C’est ici son lieu de triomphe et de domination. Il happe les gueuses dans son gosier ardent, où elles se tordent comme des bêtes informes, puis s’éclairent, se transforment, passent du rouge sombre à l’écarlate, de l’écarlate au blanc brillant. Évanouissement dans la fusion définitive, identification au dieu-feu.

On décharge un four Martin. Une grue puissante, mue par l’électricité et roulant sur des rails aériens, transporte une énorme poche de métal près d’une ouverture d’où vont jaillir des torrents de flammes. Le flot descend, rapide et pesant, au fond du réceptacle qui gémit sous l’horrifique caresse de cette pluie d’enfer. Va-t-il crever sous la rugissante pression de cinquante mille livres ? Non. Le métal est bien vaincu : sa masse énorme, on l’agite au-dessus du sol avec autant de facilité qu’un jouet porté par la main d’un enfant. Il s’écoule maintenant dans les moules, où il finit par s’éteindre, se calmer, se solidifier. Des