Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
les demi-civilisés

ment le plus gigantesque de la Beauté exprimée, le témoignage le plus merveilleux de la culture du passé, croulerait sous les coups de bélier des barbares.

Mais cela n’est pas arrivé, cela n’arrivera jamais parce que l’humanité et la nature se rient des opinions comme le cap Éternité se moque des quatre vents. Aucune défense sectaire n’a réussi, au cours de milliers d’années de vie humaine, à anéantir une parcelle d’art. Car cette parcelle, sous le marteau des doctrinaires de la démolition, résidait plus que le diamant et brillait davantage. L’œuvre a survécu, toujours plus belle et plus admirée, indestructible comme un reflet de l’Incréé tandis que le monde oubliait ou méprisait les idées et les hommes qui s’opposaient à sa marche lumineuse et sereine.

Des plaidoyers comme ceux-là, et bien d’autres, excitèrent les colères des sectes et des petites chapelles littéraires, où l’on soutenait que Chapman et Tardivel avaient tout de même existé. Le partage des amis et des ennemis se fit enfin, et nous allâmes notre chemin.

À quelque temps de là se produisit un incident qui m’émut et me troubla. Parmi les pontifes de la littérature québécoise se trouvait le brahmane des lettres canadiennes, Nicéphore Gratton, petit homme malingre, bilieux et myope, qui avait publié des poèmes, des romans, des nouvelles et des biographies, tout en couvrant de sa prose trois ou quatre revues bien pensantes.