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les demi-civilisés

Trois ans après la fondation du « Vingtième Siècle », j’avais réussi à grouper, à l’aide de quelques collaborateurs intelligents et courageux, douze à quinze mille civilisés, qui suivaient passionnément notre entreprise de libération.

Pour la première fois, en ce pays de l’impersonnel et de l’artifice, où seule la pensée officielle avait eu droit de cité, paraissait une publication vraiment libre, ouverte à toutes les opinions sensées, débarrassée des préjugés dont vivaient, depuis un siècle et demi, les neuf dixièmes des gens.

En art, en littérature, en doctrine sociale, politique, économique, nous avions l’exclusive supériorité de n’être pas liés et ficelés. La raison était presque toujours de notre côté. Seuls contre tous, nous avions aisément le dernier mot, car une idée juste prévaudra toujours, à la longue, contre mille idées fausses.

Mais le grand nombre nous échappait. La vérité n’a pas souvent satisfait les masses. Enseignez aux hommes des choses claires, simples, presque évidentes, ils ne vous écouteront pas.

Présentez-leur des fictions, des contes, une philosophie fondée sur l’imaginaire, affirmez le tout avec force et conviction, et vous aurez la certitude non seulement d’être cru, mais de vivre des siècles dans leur reconnaissance.