Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
les demi-civilisés

une attitude de pompier et une plate physionomie… Parmi tant de statues manquées, le groupe des sauvages, splendide celui-là, dominait la vasque de l’Hôtel du Gouvernement et vivait la triple vie du symbole, de l’histoire et de la légende.

La Grande Allée était une rivière de clarté, une clarté exagérée, insolente, qui s’engouffrait sous la porte Saint-Louis, léchait le club de la Garnison et faisait la transition entre le passé et le présent.

Voici venir l’automobile du lieutenant-gouverneur. Au volant, un chauffeur galonné de blanc. En arrière, la brillante et jolie châtelaine de Spencewood, madame Baril, qui salue et sourit.

— N’est-ce pas qu’elle est charmante ? dit madame Delorme. Elle fait les honneurs du château avec la grâce et l’aisance d’une reine. Vous auriez dû assister au bal de l’hiver dernier. Une féerie ! C’est dommage qu’elle soit si dépensière.

Me sentant, ce matin-là, en veine de contradiction et de paradoxes, je repris :

— Une jolie châtelaine qui ne dépenserait pas, on l’accuserait de pingrerie. Vaut mieux qu’elle soit prodigue. Elle laissera un meilleur souvenir. Il y a toujours quelque pauvre pour happer au passage l’argent qu’on jette par les fenêtres. Ce qui me frappe davantage, c’est l’existence, à Québec, d’un représentant du roi.

— Pourquoi ? interrogea Delorme, surpris.

— Parce que moi, qui mésestime certains rouages de la