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les demi-civilisés

— Prétendez-vous, lui dis-je, continuant l’entretien, que toutes les femmes parlent trop ?

— Oh ! n’exagérons pas ! J’ai quelques amies, deux ou trois, qui sont discrètes, sincères, d’esprit ouvert, raisonnables… comme des hommes.

— Merci de cet hommage !

— Ne me remerciez pas trop vite ! Je n’ai jamais dit que vous étiez des hommes faits, tous les deux. Vous avez à peine vingt-cinq ans. Des enfants ! Vous riez parce que je n’en ai que dix-neuf ? Savez-vous que les vingt ans de certaines femmes en valent trente des vôtres ? C’est pourquoi vous voyez tant de jeunes filles délaisser les garçons de leur âge pour s’attacher à des hommes mûrs.

— Qu’entendez-vous par hommes mûrs ?

— De trente-cinq à soixante ans.

— Oh ! Oh !

— Oui, je dis bien, même à soixante ans, un homme peut faire fi de la jeunesse. Je l’ai bien constaté, l’autre jour, à la représentation du film des « Ailes brisées », de je ne sais quel imbécile. L’auteur veut nous montrer que le vieux don Juan, tôt ou tard, se fait casser les ailes par un tout jeune. Il met en présence, comme rivaux, pour la conquête d’une femme, le père et le fils, celui-là, extrêmement séduisant, celui-ci, insignifiant et ridicule dans sa force de belle bête. Le fils l’emporte, dans cette sotte fiction, mais, moi, je vous dis franchement que c’est le père que j’aurais aimé !