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les demi-civilisés

Je pourrais citer une cinquantaine d’autres exemples, tous moins célèbres, mais aussi lamentables. J’ai parlé du cas le plus notoire. Celui-là, du moins, a su garder, dans sa chute, un peu de fierté et d’indépendance. Que dire des autres, qui ont passé leur vie à lécher des bottes, à exécuter de vilains coups, à cultiver la vénalité des masses, à chercher des fonds de corruption…

— Vous choisissez, lui dis-je, les pires spécimens. Pourquoi ne parlez-vous pas des quelques grands hommes qui, par la profession légale, sont entrés honorablement dans l’histoire ?

— C’est justement notre malheur d’avoir eu pour chefs, presque toujours, des avocats. Le succès de quelques-uns à traverser le marécage amena presque toute la profession à s’y enliser.

À ce moment, on annonça un client, et je pris congé, me promettant de revenir. Je me retrouvai dans la rue, un peu désemparé. J’avais tant rêvé d’être avocat et de faire de la politique ! Les journaux ne parlaient que de ça.

Chemin faisant, je méditais ce que je venais d’entendre et me demandais s’il n’y avait pas lieu, pour un bachelier comme moi, de réviser tous mes jugements, de reprendre une à une les vérités enseignées et de refaire ma science. Un immense désir de savoir, au lieu de croire, s’empara de mon être. Mille problèmes jaillissaient du fond de ma conscience avec le signe intelligent du doute, et j’éprouvais comme une joie péni-