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les demi-civilisés

connaître l’individu coupable d’un tel sacrilège. Je distinguai enfin ses traits : il était tout jeune, mais laid et ignoble. Alors, je sortis rapidement, l’âme poignardée. Mon expérience de la vie commençait.

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Une crise de mysticisme suit parfois une déception sentimentale. Je n’y échappai pas. Bien qu’à peine adolescent, j’entrai dans un ordre religieux. Les années qui suivirent m’apparaissent comme un songe : un grand jardin plein de fleurs, de fruits, d’oiseaux et de calme ; des moines, un livre à la main ou égrenant d’interminables chapelets, parmi les chants des cigales et les parfums des pommiers ; des religieux à cheveux blancs dirigeant des jeunes gens en proie à des tentations dignes d’illustrer la vie de saint Jérôme ; de vieux enfants à la fois graves et naïfs pour qui un rien est un événement extraordinaire et dont la candeur charme et séduit ; des nostalgies de novices se retournant, comme la femme de Loth, vers le monde abandonné, le foyer déserté, la jeune fille autrefois aimée et troublant les nuits sans sommeil ; les flagellations qui chassent les démons