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les demi-civilisés

Tout à coup, le guide lumineux s’effaça dans une rafale et disparut. Dorothée s’éveilla, pénétrée d’un froid mortel. Elle ne sentait plus les extrémités de ses doigts et de ses pieds. Elle se passa la main sur le visage. Son nez, son menton et ses oreilles étaient insensibles et glacés. Où était-elle ? Où allait-elle ? Comment l’aurait-elle su ?

Elle était perdue au centre même des plaines d’Abraham. La petite Québécoise, habituée à la neige et se souvenant que bien des hommes, égarés par des soirs de tempête, avaient péri de froid, se raidit de tout l’effort de son esprit pour arriver à s’orienter. Elle n’y parvenait pas. Et elle avançait quand même.

Plus d’une fois elle tomba, et ses poignets rougis étaient comme criblés de coups d’aiguilles. Elle se relevait, face au vent qui remplissait ses cheveux de cristaux.

La nuit se dissipant peu à peu, elle parvint à distinguer, parmi les formes fantastiques qui hantaient son cerveau, la silhouette de la prison de Québec.

Elle se souvint. La maison de l’aimé était là, tout près. Pourvu qu’elle eût la force de se traîner jusqu’à elle…

La neige tombait moins dense, le vent soufflait moins fort, mais le froid mordait davantage.

Un dernier effort, et la voici qui traverse le chemin Saint-Louis. Forme trébuchante, forme si blanche,