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les demi-civilisés

À chaque secousse du vent, Dorothée sursautait. Elle regardait sa fenêtre, pensant y revoir les traits de l’aimé, et, très lasse, se laissait retomber sur sa couche. Elle frissonnait et sentait la fièvre envahir sa chair vierge. Dans un mouvement instinctif, elle toucha ses seins et les trouva brûlants. Elle couvrit mieux son corps délicat, elle le couvrit jusqu’à sa bouche, et, sur l’oreiller de toile fine, on ne pouvait plus voir qu’une chevelure noire, des lèvres qui traçaient leur ligne d’ombre, de grands yeux profonds et des paupières lourdes qui ne parvenaient pas à se fermer.

Plusieurs fois, le demi-sommeil vint, et toujours la même face s’approchait jusqu’au bord de la fenêtre, souriait douloureusement et s’éloignait de nouveau, comme enveloppée d’une auréole sombre que striaient les flocons de neige.

À l’approche du matin, hallucinée, secouée de longs frissons, Dorothée se leva et s’approcha de la vitre pour mieux voir. L’ombre chère s’arrêta à quelques pas, flottant dans l’air, et elle devint lumineuse comme un astre. Un cri s’échappa de la poitrine de Dorothée :

— Max !

— Viens, dit l’ombre.

— Attends-moi ! Je te suis. Je te suivrais au bout du monde.

Sans bruit, avec l’étrange lucidité du somnambulisme, elle revêtit la robe de mariée qu’on lui avait apportée pour la prise d’habit du matin suivant. Puis elle