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les demi-civilisés

— Oui, la vie de son cœur.

J’élevai encore la voix :

— Vous devriez savoir que Dorothée est entrée chez vous par désespoir, que nous nous aimions tous les deux, que nous nous aimons encore et qu’elle ne peut pas, sans en mourir, entendez-vous, rester au couvent.

— Jeune homme, calmez-vous, je vous en prie ! Il arrive souvent que la voix du Maître se fait entendre, impérieuse, au milieu des amours humaines. Au-dessus de tout, il y a l’amour de Celui-ci.

Elle me montrait le crucifix qu’elle portait à sa ceinture. J’aurais dû avoir pitié de sa sincérité douloureuse. Je m’exaspérais de plus en plus. Elle ajouta :

— Si le bon monsieur Meunier vivait, voyez-vous, il serait content de faire le sacrifice de sa fille.

— Il n’est pas naturel que des parents sacrifient leurs enfants. Ils n’en ont pas le droit. Vous dites la fille de Meunier ? Vous en parlez à votre aise : elle n’est pas sa fille !

— Monsieur, si vous vous permettez de tels propos, vous faites mieux de vous en aller.

— Je ne sortirai pas d’ici sans Dorothée. Je la veux ! Je la veux ! Je la veux !

Des pas nombreux glissaient sur le parquet, dans le long couloir du cloître. Les postulantes passaient tout près. Parmi elles, je reconnus Dorothée sous son voile. Je n’y tins plus et criai :