Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
les demi-civilisés

tapis de laine fabriqués à la maison, ornée d’une horloge grand-père qui ne dormait jamais et sonnait toute la nuit. Quelle nécropole !

Par un escalier roide, je montai sous le toit. Ma chambre d’enfant était encore là ; un faible jour filtrait sur les restes de grabat, celui qui avait été le mien et où les rêves m’apportaient leurs joies ou leurs terreurs. J’ouvris une porte et me trouvai dans le grenier. Il y avait là un vieux rouet, une machine à coudre démontée, une huche éventrée, des boîtes à grains, des chaises boiteuses, des sommiers rouillés, tout un passé de ruines gisant comme les ossements exhumés des tombeaux anciens. Chacun de ces objets portait, j’en étais sûr, l’empreinte des mains qui l’avaient touché. Il me semblait même qu’une odeur âcre de corps au travail, cette odeur animale qui m’était familière, quand j’étais petit, s’en exhalait et entrait dans mes narines.

Une émotion montait en moi, puissante, irrésistible, elle montait du fond de ma poitrine, comme une trombe, s’engouffrait dans ma gorge, puis me retombait dans le cœur par torrents. Je voulus fuir cette étreinte du passé et descendis précipitamment l’escalier. Alors, j’eus nettement l’impression que tous ces chers débris oubliés reprenaient vie, se réveillaient d’un long sommeil et me suivaient. Oui, toute la maison devint vivante.

— J’ai gardé le pain qui t’a nourri, disait la huche. Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas !

Le rouet chantait :