Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
les demi-civilisés

La petite femme brune prit son air le plus important, et, rouge d’indignation, dit solennellement :

— Nous sommes aussi fins que vous. Il en est qui jugent autrement que vous et qui vous valent bien.

Ce fut l’argument suprême de cette petite réunion, où les demi-civilisés furent ravis de la puissance de raisonnement de la vive brunette.

— La Chine aussi, continuai-je, a une belle histoire, de même que l’Égypte, la Syrie, la Perse, pour ne nommer que ces pays, et pendant que ceux-ci se couvrent la poitrine de leurs annales glorieuses, les Japonais, les Anglais et autres puissances, qui ne parlent jamais de leur passé au moment de l’action, leur apprennent à coups de pied que la vigueur présente, la vie vécue, sont de meilleurs moyens de défense que les gestes des morts.

La petite brune ne désarmait pas : elle avait la conviction de posséder un esprit supérieur :

— À vous entendre, criait-elle, il faudrait cesser d’apprendre l’histoire.

— Je dis qu’il ne faut pas y chercher son unique titre de gloire. Une histoire non soutenue par les vivants est un stigmate et non un honneur, parce qu’elle indique une déchéance. Cette réserve faite, j’admire autant, et plus que vous peut-être, les hommes qui ont fait ce pays. Je n’aime guère, il est vrai, les personnages de vitrail et de pèlerinage que nous créent nos manuels, mais j’ai un culte pour nos découvreurs