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les demi-civilisés

fenêtre. Hermann venait de franchir le seuil. Un grand garçon, portant béret, face congestionnée, l’apostropha avec je ne sais quelle insanité. Lillois, qui connaissait un peu de boxe, l’envoya promener d’un coup de poing. Une grêle de cailloux s’abattit sur notre porte. Lillois, qui luttait, des pieds, des mains, pour se frayer un passage à travers la meute, reçut une pierre au front. Il chancela.

Lucien sortit à son tour. Il parut très grand et terrible. L’indignation décuplait ses forces. Il avait les épaules larges, le cou puissamment attaché au tronc, et, quand sa main énorme se leva vers les forcenés, il y eut un moment de silence et de stupeur. Tous ces jeunes connaissaient Lucien non seulement pour le plus sympathique des hommes, mais pour un athlète.

— Vous ne toucherez pas à celui-ci ! cria-t-il en montrant Hermann, que le sang aveuglait. Sinon, gare à vous ! Si c’est aux poings que vous voulez régler le problème, j’invite chacun de vous à venir ici. Vos pères ont autrefois salué le génie de Sarah Bernhardt par une grêle d’œufs pourris. Aujourd’hui, vous défendez vos vérités avec des pierres. Je vous en félicite !

Ce disant, il prit Hermann par le bras et s’enfonça dans la foule hésitante, qui s’ouvrit d’elle-même. Un jeune colosse voulut leur barrer le passage ; Lucien l’envoya rouler par terre, et on entendit le bruit de vide que font certains crânes en bondissant sur l’asphalte.