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les demi-civilisés

Jésus rendait son effigie et son denier ; avec un monopole sur les connaissances, les écoles, les institutions ; avec le confort, le luxe et l’opulence édifiés avec la dîme du paysan ou du pêcheur ; avec la triple alliance du capital, du pouvoir civil et des choses saintes ; avec l’autocratie du dogme étouffant toute pensée libre et ne reculant pas devant la ruine voulue de pauvres diables coupables seulement d’avoir osé crier des vérités qui bouillonnaient en eux ; avec la considération, la puissance, les cadeaux, les héritages, les recettes de la naissance, du mariage et de la mort ; avec le silence servile d’un peuple habitué à plier l’échine… Que serait-il, le bon Jésus des publicains et des mendiants, avec tant de biens ?

Mais, en terminant, Lillois s’inclinait devant les apôtres des humbles et des misérables, devant les quelques « soutanes vertes », vivant dans des huttes, au fond des forêts, pour tenir la couleur des espérances surhumaines sous les yeux résignés des défricheurs, des colons et des paysans. Car il admirait la sincérité de ceux qui souffrent avec les souffrants, restent pauvres avec les pauvres, modestes avec les parias, et s’ensanglantent les pieds, eux aussi, aux épines du chemin qui va vers l’infini.

Hermann écrivait ces pages avec une telle abondance d’images et de précisions que je me mis à trembler pour l’existence même d’une œuvre que nous cherchions à solidifier depuis des années. C’est avec prudence