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les demi-civilisés

— C’est la même chose. Souvenez-vous ! La veille même du jour où vous m’annonciez que vous n’aviez plus rien de commun avec moi, vous aviez prononcé ces paroles : « Si jamais tu me manques, la vie n’aura plus d’intérêt pour moi ! » Des années durant, vous m’aviez affolé de votre amour, de vos aveux, de vos serments. Vous m’aviez lié à vous par une multitude de faveurs, d’assiduités, de souvenirs. Nous ne faisions plus qu’un. Notre vie était si intimement mêlée qu’on n’en distinguait plus la trame. D’un coup de couteau, vous tranchez tout ça, et vous voudriez que je continue, avec chaque femme mise en travers de mon chemin, à jouer mon rôle de dupe.

— Max ! Max, ne parlez pas ainsi ! Je n’en puis plus.

— Dites donc que je ne fus pas dupe, dites-le !

— Non, vous ne l’avez pas été, cela, je vous le jure !

— Alors ?

— Je vous en prie, n’en parlons plus ! Finissons-en. On va me chercher dans la salle de danse…

Sa voix était si troublée que j’en frémissais d’aise.

— Non, vous ne partirez pas avant d’avoir tout entendu, lui dis-je, en la prenant par le bras.

— Laissez-moi !

— Non, pas encore. Il faut que je vous dise que vous avez pris toute ma jeunesse et l’avez tuée, que vous avez même aboli ma puissance d’illusion. Il ne reste plus rien en l’âme d’un homme, quand la foi en l’a-