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les demi-civilisés

Maryse frôlait frileusement la mienne, et l’amour entrait en moi avec toute la poésie de la nuit.

— Maryse, vois-tu ces chemins de feu tendus sur l’abîme ? Je me sens si léger que j’y voudrais marcher. Viens-tu ?

— Oui, vers la source de la clarté.

Nous fermions quelques instants les yeux en écoutant ces mots imprécis, qui ne voulaient rien dire, mais qui portaient en eux la dangereuse musique des voix.

En continuant, nous voyions, ça et là, des véhicules immobiles, dans lesquels des couples s’étreignaient. Partout la joie cherchait l’ombre. Tous les amants venaient du cœur de la capitale endormie, où le silence, après minuit, est aussi absolu qu’un dogme, et où l’on entendrait bondir la poussière sur les pavés. On était venu, dans l’air nocturne, chercher des consolations conformes à la farouche honnêteté de la ville, qui croit que la luxure qui se cache n’existe pas. Certains soirs, tous les environs de Québec offrent à ceux qui s’aiment des retraites sans nombre. Clairs de lune et clairs d’étoiles, rives du fleuve, innombrables lacs, chemins divers, bois et bosquets, Laurentides accueillantes, vos nuits ont entendu plus de soupirs, depuis les parfums de juin jusqu’aux féeries d’automne, que toutes les maisons de nos villes.

— Il se fait tard, dit Maryse, rentrons !