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les demi-civilisés

— Admettez que c’est un grossier personnage.

— J’en conviens… Avez-vous remarqué comme Pinon louche vers la petite Américaine ?

— Cette femme a quelque chose d’inquiétant.

— Elle s’appelle elle-même « Little Lady Vagabond ». Comment finira ce mystérieux vagabondage ? C’est un secret. Elle est entrée dans plusieurs grandes familles. Vous savez combien de salons se sont ouverts pour elle. Elle a donné elle-même, au Château, des fêtes qui ont dégénéré en orgies.

Il était minuit quand on décida d’aller passer le reste de la fête dans un grand chalet que possédait Pinon à quelques milles de la ville.

— Si vous voulez, me dit Maryse, nous n’irons pas là. Je voudrais rester seule avec vous, aller n’importe où, au grand air, mais pas là.

La nuit était pleine d’étoiles. Nous filions en automobile par des chemins obscurs, et l’air frais qui entrait par les fenêtres se posait sur nos fronts comme une caresse pleine de la saveur glaciale de la mort. Nous traversâmes les plaines d’Abraham pour descendre vers l’Anse-au-Foulon et longer le pied de la falaise jusqu’au voisinage du pont de Québec. Par moments, nous nous arrêtions à regarder les traits de lumière qui glissaient, du sud vers le nord, sur l’eau soyeuse du Saint-Laurent. Ces rayons rampaient jusqu’à nous comme sur des tapis de diamants. L’épaule blonde de