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les demi-civilisés

de nulles, vous en verrez de pourries. Ne gardez que celles qui, selon vous, après un pénible effort de pensée, sont conformes à votre jugement et à votre raison, rejetez tout ce qui froisse votre bon sens. Admettez loyalement ce qui convient à votre esprit. Condamnez le reste au crible du doute ou au dépotoir de l’absurde. Quand vous doutez, ayez le courage d’en rester à votre doute jusqu’au jour où, peut-être, des lueurs nouvelles vous en délivreront. Le doute est d’ailleurs à la base même du savoir, puisqu’il est la condition essentielle de la recherche de la vérité. On ne court jamais après ce qu’on croit posséder avec certitude. On vous a toujours dit : « Ne doutez pas ! » Moi, je vous dis : « Doutez ! C’est la planche de salut de l’intelligence, c’est ligne de flottaison de l’être raisonnable. Créez en vous la belle et courageuse inquiétude qui vous épargnera la maladie du sommeil et vous conduira à des trouvailles splendides. »

« La pensée, non pas la pensée des autres, mais la vôtre, celle qui sort de votre âme comme la branche sort de l’arbre, fait la supériorité. Sans elle, aucune personnalité n’est possible. On vous dit parfois qu’il vous est défendu de penser librement. Les auteurs d’un décret aussi infâme sont grandement coupables. On ne saurait mieux s’y prendre pour tuer la valeur individuelle au nom d’on ne sait quelle médiocrité collective qu’on encourage pour le seul profit d’une caste,