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les demi-civilisés

Peu à peu, ils s’enfoncèrent. Leurs genoux disparurent, puis leur ceinture, puis leur poitrine, puis leurs épaules, puis leur bouche triste, puis leur front.

Bientôt, on ne vit plus flotter, comme des nénuphars, que leurs boucles blondes, qui s’effacèrent à leur tour, alors que les petites mains immobiles, au-dessus des eaux, tenaient toujours les glaïeuls.

Une fillette de sept ans était restée debout sur le rivage. Elle s’avança à son tour, seule, et quand on ne vit plus que ses petites mains tremblantes à la surface, toutes les autres petites mains rentrèrent dans les profondeurs.

L’homme, impassible, continua sa route. Et je le suivais dans une forêt de plus en plus sombre.

Au-dessus de nos têtes, de grandes cordes blanches comme des bras nus étaient tendues d’un arbre à l’autre. Intrigué, je touchai l’une de ces cordes, et je sentis palpiter sous mes doigts des nerfs vivants. Ces câbles étaient des branches charnelles, sensibles comme des membres humains. Les arbres qui les tendaient vivaient et souffraient comme des êtres de chair et de sang.

Mon compagnon s’amusait à les tordre au passage, et, sous ce toucher brutal, chaque arbre poussait un cri. On eût dit une musique tragique.

À un carrefour, nous nous reposâmes un peu parmi les glaïeuls et les iris. La nuit était devenue noire comme de l’encre, mais nous pouvions percevoir, par miracle, les objets qui nous entouraient.