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et à mesure que les circonstances, les moyens de production et l’opinion publique le permettent. Et cette ascension des masses dans l’échelle du bien-être se réalise sans qu’il soit besoin de sacrifier les libertés les plus chères du citoyen.

Qu’ils y aillent eux-mêmes !


Les propagandistes canadiens, inspirés par une sorte de Saint-Siège installé au Kremlin, ne sont pas satisfaits de cette révolution trop lente à leur goût. Ils vont répétant la leçon apprise de leurs maîtres : « C’est la dictature du prolétariat qu’il nous faut ! Plus vite que ça ! Ça presse ! » Il y a là-dedans de petits bonshommes de vingt à vingt-cinq ans qui ignorent tout des questions économiques et sociales et qui, obéissant aux directives d’un clan formé d’agents étrangers, d’espions, de traîtres ou d’imbéciles illuminés, entreprennent de transformer le monde en un clin d’œil. Le plus triste, c’est que ces jeunes irresponsables se soient attachés à l’idée la plus réactionnaire de notre siècle. On les verra parfois associés à des furies qui ont préféré troquer les divins attributs de la femme contre les malsaines excitations d’une mystique nihiliste.

La manière de penser de tous ces égarés a ceci d’étrange, pour des gens qui se vantent de ne croire en rien, qu’elle est étroitement moulée dans un système de dogmes où l’idée chrétienne de la chose sacrée est remplacée par le culte superstitieux de quelques objets matériels et même grossiers. C’est ainsi qu’en lisant ce tract, un scribe de la religion nouvelle écrira en se signant : « Sacrilège ! Il a osé dire du mal de la Russie, la plus chère de nos alliées ! » Si quelqu’un pouvait se loger dans une telle cervelle, il entendrait ceci, qui est l’idée fixe : « Attaquez aussi violemment, aussi souvent et aussi injustement que vous le pourrez le Canada, l’Angleterre, les États-Unis — surtout les États-Unis — et toutes les nations où l’on tient encore à la liberté de l’individu. Passez-moi tout ça à tabac ! N’en dites jamais un mot de bien ! Mais devant la Russie, chapeau bas ! Car tout y est bien, tout y est beau, tout y est sacrosaint. »

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