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diminuent pas la gloire de ce grand homme. Il n’y a que bien peu de découvertes jaillissant tout entières du cerveau d’un seul homme, comme Minerve sortit tout armée du front de Jupiter. Elles sont préparées, mûries, pressenties depuis longtemps ; puis un homme arrive, qui réunit les faits épars, reprend, discute, éclaircit les idées confuses de ses prédécesseurs inconscients et enfin établit la vérité. Tel a été le rôle de Harvey. Certes, parmi les élèves de Fabrice à Padoue, plus d’un, qui connaissait les valvules et la circulation pulmonaire, qui avait lu Servet, Colombo, Césalpin, a dû penser à la circulation, imaginer cette chose magnifique, le circuit perpétuel du sang, des artères aux veines, des veines au cœur, du cœur au poumon, du poumon au cœur et aux artères. Nul n’a fait le livre que Harvey a écrit en 1629.

Ce qui constitue surtout la valeur de ce livre, le plus beau de la physiologie, dit Flourens, c’est que c’est un adieu définitif aux théories, aux dissertations théologiques, métaphysiques, scolastiques. Harvey ne croit qu’à l’expérience, au phénomène visible, expérimental : c’est là sa supériorité sur Servet. Entre la Christianismi Restitutio et le traité De circulatione sanguinis et motu cordis, il y a l’abîme qui sépare, au point de vue scientifique, le moyen âge de l’ère moderne[1]. Servet ne fait pas d’expérience : il dit que le sang

  1. Le Novum organum apparut en 1620. Ce n’est que neuf ans après que parut le Traité de la circulation du sang. Toutefois, depuis