Page:Harvey - La Circulation du sang, trad. Richet, 1879.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reux. On l’accusa d’avoir ouvert le corps d’un vivant ; on l’envoya en Terre Sainte pour faire pénitence, et au retour il mourut dans un naufrage.

Quelques années après la mort de Michel Servet, Realdo Colombo décrit avec une très grande exactitude la circulation pulmonaire[1] : mais ses expressions sont celles de Servet. En mettant les deux textes en regard, on voit bien que ce qu’il sait de la petite circulation est textuellement ce qu’a écrit Servet. Comment donc ose-t-il dire en parlant de la petite circulation (du ventricule droit à l’oreillette gauche à travers le poumon) : Quod nemo hactenus (c’est-à-dire avant moi, 1559) aut animadvertit aut scriptum deliquit. Est-ce par crainte de l’inquisition, ou par déloyauté scientifique[2] ? Car, je le répète, il est évident que Colombo a copié Servet, ce qui n’a rien d’étonnant, puisque nous avons vu les disciples théologiens et les amis de Servet se réfugier en Italie, à Padoue notamment, et à Venise.

Voilà donc la seconde erreur de Galien, ou plutôt l’erreur d’Aristote acceptée par Galien, le passage de l’air dans la veine pulmonaire, définitivement renversée, par Servet d’abord, puis par Colombo qui copie Servet : de sorte que, pour ce qui concerne la petite circulation, Harvey n’a rien inventé. Le livre de

  1. De re anatomica, 1559.
  2. Colombo fit, en 1556, l’autopsie de saint Ignace, à Rome. Cela semble indiquer qu’il était bien vu du clergé. Il est tout naturel qu’il ait redouté la lutte avec ses protecteurs.