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malium, livre III, chap. x) quand il parle de la génération des abeilles. Il faut en croire la raison, dit-il, quand les choses qu’elle démontre s’accordent avec le témoignage de nos sens, et pour les bien connaître accordons plus de créance à nos sens qu’à la raison. Aussi ne devons-nous approuver ou désapprouver toutes les assertions scientifiques qu’après en avoir fait un examen minutieux : il faut examiner par l’expérience si elles sont justes ou fausses, les rapporter à nos sens et confirmer nos sensations par le jugement qui nous montre ce qui est faux. Aussi Platon a-t-il affirmé dans Critias qu’il n’est pas difficile d’expliquer les choses qu’on peut expérimenter, et que les auditeurs qui n’ont aucune expérience ne sont pas mûrs pour la science.

Il est aussi pénible, aussi difficile d’apprendre à des auditeurs inexpérimentés les choses que leurs sens ne leur ont jamais montrées ; ils sont aussi rebelles, aussi peu aptes à recevoir la vraie science, que les aveugles à porter un jugement sur les couleurs et les sourds sur les sons. Qui pourra apprendre le flux et le reflux de la mer, et la valeur des angles ou les propriétés des côtés d’un trapèze géométrique à des aveugles ou à des gens n’ayant jamais vu ni la mer ni un trapèze ? Et quand on n’a pas vu soi-même, quand on ne se fait pas une idée de la chose, on est aussi ignorant en anatomie, qu’un aveugle en géométrie ; on ne peut connaître ni les sujets dont parlent les anatomistes, ni les raisons allé guées par eux et qui dépendent de la nature des choses : on ignore tout également, aussi bien les conclusions que les motifs de ces conclusions. Il n’y a pas de connaissance possible sans une connaissance préalable donnée par nos sens. C’est ce qui fait que la connaissance que nous avons des corps célestes est si incertaine et pleine