— Belle journée ! dit-il.
— Les journées sont toujours belles pour qui n’a pas à travailler, prononça l’autre.
Sans se décourager, Benoît reprit :
— Vous êtes bien achalandé ?
— Vous voyez comme moi, dit le patron, en montrant les rares consommateurs.
Édouard eut l’impression désagréable que ces hommes, silencieux, suivaient la conversation d’un air hostile. Conversation qui, d’ailleurs, se poursuivait tout aussi difficile. Le capitaine y renonçait bientôt.
— Ça ne va pas être facile, dit-il à son compagnon. Buvons toujours ; nous essaierons ensuite d’autres moyens.
À ce moment, du fond de la salle, un jeune homme se dirigea vers leur table et dit, en français :
— Faut pas vous en faire : ils sont comme ça, par ici. Moi, j’ai voyagé ; j’ai appris à vivre.
— Accueille-t-on toujours les étrangers de cette manière ? demanda le capitaine.
— Plus ou moins. Ça dépend…
— Ça dépend de quoi !
— D’un tas de choses. Par exemple, de l’uniforme que portent les étrangers.
— Nous ne sommes pas en uniforme !
— Votre combinaison s’ouvre un peu, parfois et alors !… Voyez-vous, ici, on n’aime pas plus les Britanniques que les Boches… On n’aime pas grand chose, ici !… Moi, je suis avec vous et si je peux vous servir…