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nora l’énigmatique

Et l’avalanche se poursuivait, à une telle allure qu’il aurait été bien inutile d’essayer de l’arrêter. Tout de même, Édouard avait l’impression que cette belle indignation comportait quelque chose de factice. Le ton n’en était pas absolument authentique, tout en étant bien joué.

Le sergent commençait d’ailleurs à comprendre dans quelle situation fausse il se trouvait, lui qui était en quelque sorte associé au tribunal chargé de juger celle à qui le liait, au su de tous, au moins une vive amitié. Son ressentiment s’en accroissait contre le capitaine Benoît de ce qu’il l’avait, de propos délibéré, entraîné là.

Quant au capitaine, renversé sur le dossier de sa chaise, il contemplait Nora d’un air calme. Les mains croisées devant la bouche, il examinait sa prisonnière au même titre qu’un spécimen curieux, la laissant aller à sa guise, comme pour tirer de ce spectacle des enseignements utiles.

Un moment vint où le soldat d’escorte, nerveux, ne put se contenir et, reprenant vivement le bras de l’Italienne, la secoua d’importance. La furie se retourna contre lui : on eut dit qu’elle allait lui arracher les yeux. Alors, l’officier de renseignements rompit le silence, s’adressant au soldat :

— Retirez-vous. Nous en viendrons bien à bout tout seuls.

Claquant des talons et saluant, l’homme de troupe sortit. Nora recommença :

— Ah ! vous viendrez à bout de moi ! Vous…

Le capitaine lui coupa la parole d’un ton froid :