Page:Hartex - Nora l'énigmatique, 1945.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
nora l’énigmatique

d’une abnégation sans pareils. Ils se battaient, comme les Canadiens-français savent se battre. Ces Canadiens-français qu’un destin assez pénible réduit trop souvent à la médiocrité, mais chez lesquels se réveille, à l’occasion, la bravoure des ancêtres, qui ont fondé un pays dans une sauvagerie inhumaine et qui l’ont, pendant longtemps, défendu contre les Indiens, puis contre des colonies voisines bien plus peuplées et bien mieux appuyées par leur métropole.

La bataille faisait rage. Les chars de combat, crachant le feu de leurs canons et de leurs mitrailleuses, se lançaient à fond de train sur un terrain qu’on avait d’abord exploré pour y trouver et détruire les mines. Tantôt s’attaquant aux engins de l’adversaire, tantôt se dissimulant derrière un repli de terrain pour semer la mort parmi les fantassins ennemis, ils semblaient être partout à la fois. En d’autres parties du champ de bataille, — vastes labours torturés par les troupes aux prises, — les armes antichars guettaient chaque occasion de tirer.

Ce n’était pas un combat localisé, immobilisé en quelque sorte sur un point. C’était, au contraire, un engagement qui se déplaçait sans cesse. Malgré l’acharnement des Boches, les nôtres avançaient. De butte en butte, de ferme en ferme, de bosquet en bosquet. Les fantassins bondissaient d’abri en abri, s’arrêtant pour décharger leurs fusils, leurs mitrailleuses ou leurs mitraillettes, ou bien pour lancer leurs grenades et tirer de leurs petits mortiers. Au-dessus de leur tête, sifflaient les obus des canons de campagne, placés à l’arrière ; les avions vrombissaient.

Et puis, ils constataient que l’ennemi avait abandonné l’objectif contre lequel ils s’acharnaient. Ils repartaient de plus belle.