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nora l’énigmatique

Le bruit des détonations se faisait entendre de plus en plus. On apercevait la fumée des bouches à feu. Mais le combat véritable se passait encore un peu vers l’avant.

Édouard Lanieu avait suivi le major vers le poste de commandement, installé dans une ferme en partie détruite par les obus et les bombes. La plus fiévreuse activité y régnait. Penchés sur leurs cartes, des officiers étudiaient les messages que leur remettaient estafettes et signaleurs, puis y répondaient avec rapidité. Le sergent reçut ses instructions. Il sortait pour aller rejoindre ses hommes, quand, avec stupéfaction, il aperçut le capitaine Benoît qui paraissait fort affairé. Comment ce diable d’homme, qui avait quitté la colonne plusieurs milles plus tôt, avait-il pu se rendre jusque là ?

III

Le détachement avait enfin établi le contact avec l’ennemi. Fondu avec les troupes déjà engagées, du moins dans la mesure où ces combats fluides autorisent l’emploi d’une telle expression, il s’était plongé au cœur de la bataille.

Chacun de ses membres, délaissant sa personnalité des heures paisibles, s’était transformé. Il n’y avait plus Jos. Larivière, le journalier d’hier ; ni Pierre Lamontagne, l’ancien chômeur perpétuel. Il y avait des guerriers, c’est-à-dire des hommes, spécialisés dans le métier le plus vieux du monde, — la guerre, — chez qui les facultés atteignaient toute leur acuité et qui se consacraient avec ardeur à la besogne en cours. Ces gens, parfois bien ordinaires et d’habitudes assez veules, se muaient en des êtres ardents, capables d’une initiative, d’un courage,