Le manque d’argent l’avait forcé d’abandonner toutes sortes de rêves. Il n’avait pas fait les études prolongées qu’il aurait voulu, bien qu’il eût une formation supérieure à celle de la moyenne de ses camarades de l’armée. Assez tôt, malgré les protestations de sa mère, il s’était mis à travailler afin d’apporter une aisance supplémentaire au foyer.
Lui, qui aimait tant à s’occuper, il avait trouvé intolérable le travail de salarié. Moins parce que les emplois qu’il trouvait lui répugnaient que parce qu’il devait se soumettre à une routine imposée et sans horizons. Comme il se serait dépensé avec joie, à des besognes plus librement choisies et organisées ! Dans l’enregistrement du salariat, il ne voyait que déboires et dégoût.
Aussi changeait-il souvent de place. Tour à tour mécanicien, commis aux écritures, vendeur, quelque peu journaliste, que sais-je ? il ne découvrait nulle part sa voie.
Quand il se mettait à grommeler contre cette vie, sa mère le suppliait :
— Laisse donc tout cela et organise-toi une existence à ton goût. Au début, nous aurons moins d’argent, mais nous n’avons jamais crevé de faim. Ensuite, tu feras bien davantage.
Il persistait quand même et, un jour, elle lui dit :
— Cesse, te dis-je. Il est grand temps. Tu es comme lui. Si tu persistes, tu finiras comme lui. Je t’en supplie, ne continue pas. Pense à moi : je ne veux pas te perdre, toi aussi.
Ces paroles l’avaient plongé dans la stupéfaction. Jamais sa mère n’en avait tant dit sur ce sujet. Mais, cette