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nora l’énigmatique

III

— Je suis née à Averta, poursuivit Nora. Tu sais, tout près de Naples… entre Naples et Caserta ? Petite ville endormie dans le soleil. Du moins en apparence : les passions bouillonnent, au fond de ces bourgs tranquilles, plus fortes que dans les métropoles où l’on s’extériorise en activité.

J’aimais bien ma petite ville. J’y ai passé une enfance heureuse, peuplée d’êtres fictifs, qui reprennent vie quand je revois les coins d’Averta où je les logeais. Tu penses bien, en effet, que ma cervelle trottait joliment ! Ma famille était pauvre. Mais j’étais riche du monde d’imagination que je me créais. Aux yeux de tous, j’étais une petite fille joyeuse, bien que parfois coléreuse, mais toute en mouvement. Personne ne pénétrait jusqu’à l’univers que je portais en moi et où je vivais avec des princes et des princesses de rêve. Ces rêves prirent une forme plus précise, à cause de certaines influences.

J’avais pour amie la fille de lointains cousins du grand Enrico Caruso, qui, dans son enfance, tu ne l’ignores pas, vivait comme nous. Son ascension foudroyante restait comme une légende, dans mon milieu, entretenue par ses parents. Naturellement, je ne l’ai pas connu ! J’étais à peine née quand il est mort. La jeune fille dont je te parle avait une nature semblable à la mienne, bien que ses rêveries n’eussent pas la même ardeur. De sa parenté avec l’illustre ténor, il ne lui venait aucune vanité : plutôt une sorte d’émerveillement que, de sa famille, fût sorti un tel être. Elle en gardait un sentiment de ferveur apeurée, comme devant la révélation d’un mystère. Elle me parlait sans cesse du cousin