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chapitre vi

ÂMES TOURMENTÉES

I

Rentrés au Q. G., les rapports déposés et le capitaine Benoît étant occupé avec ses collègues de l’Intelligence à donner suite aux résultats de la journée, Édouard et Nora, qui profitaient d’un répit, se promenaient dans le parc, beaucoup plus vaste qu’il ne paraissait au premier abord.

La nuit était belle, indifférente aux querelles sanguinaires des hommes. Une lune opalescente noyait la campagne d’une lueur diffuse, créant un monde d’irréalité. Le silence bruissant se concrétisait en quelque sorte, enveloppant la nature d’une présence effective que ne parvenaient pas à pénétrer les bruits qui restaient lointains, comme en dehors de l’univers où évoluaient les deux amoureux.

Leurs objectifs de la journée atteints, les troupes se reposaient sur leurs positions. Des pièces d’artillerie entretenaient au loin un feu intermittent : elles n’avaient pas le son brutal du jour, semblant prolonger leur macabre concert par acquit de conscience, en guise de rappel aux hommes trop prompts à jouir de la paix que le carnage subissait seulement une brève interruption. Par les fenêtres du château, ouvertes sur la douceur nocturne, arrivait affaibli le murmure de voix. Tout cela formait un accompagnement au silence, symphonie grandiose de la nuit.