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nora l’énigmatique

Mais, et c’est ce qui aurait dû réjouir Édouard… ce qui, en vérité, l’avait plongé dans la joie, avant les derniers incidents… la compagnie avait été priée de laisser des hommes à Gerardino. Non pas qu’on craignît des ennuis dans ce coin : il fallait du monde pour aider au ravitaillement, accomplir mille besognes pressantes. Édouard Lanieu était du nombre de ces veinards, qui se reposaient pendant quelque temps des engagements incessants et qui, malgré un travail assez absorbant, goûtaient un peu aux douceurs de la vie civile. On a beau aimer à se battre, on ne déteste de dételer par ci par là…

Les Italiens du crû délivrés non seulement de la présence des Allemands mais aussi du rude régime fasciste qui pesait sur eux depuis une vingtaine d’années, avaient manifesté, à l’arrivée des vainqueurs, une joie débordante. Avec toute l’exubérance de leur nature expansive, ils avaient prodigué aux Canadiens, outre les marques d’une bienvenue indubitable, toutes les gâteries matérielles dont ils étaient capables. Le vin et les victuailles, cachés pendant le séjour des Boches, avaient reparu au grand jour et nos gens s’en régalaient. En somme, comme ils disaient, ils étaient aux noces.

Exalté par la bonne fortune qui lui avait valu ses galons et par le séjour à Gerardino, Édouard Lanieu avait d’abord donné libre cours à sa gaieté naturelle.

Jamais comme aux premiers jours de leur arrivée dans le petit village italien, les camarades d’Édouard ne l’avaient entendu chanter d’un tel cœur, ni si souvent ; jamais ils ne lui avaient vu tant d’entrain. La journée de travail à peine terminée, il organisait une réunion, où étaient conviés les indigènes, surtout les indigènes féminines et jeunes !