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introduction

abasta (Beh. IV. 64) et aniya (I. 20, 21), qui doivent à leur avis designer l’Avesta et Anro Mainyus. Examinons donc ces expressions et leur sens. Qu’abasta signifie loi cela n’est plus contestable, M. Oppert l’a suffisamment démontré, mais il nous est impossible d’admettre que ce soit l’Avesta lui-même. Jusqu’à l’époque des Sassanides, les livres sacrés du mazdéisme n’avaient point de titre commun. En outre, le mot abasta est rendu en assyrien par le même mot (dinat) qui sert à traduire dâtam. (N. R. 21) et qui, comme ce dernier terme, signifie loi, statut en général. Abasta n’est donc qu’un nom commun. Darius explique, d’ailleurs, sa pensée en ajoutant qu’il n’a rien fait par violence, contre l’usage ou le droit. Dans l’inscription (N. R. b. 3, 4) il reproduit cette même idée, sans faire la moindre mention de la loi religieuse, employant au lieu d’abasta des synonymes signifiant droit, usage, etc.[1] Tous ces termes sont donc équivalents à ses yeux.
Aniya ne fournit pas un argument plus solide. Partout ce mot désigne l’ennemi qui attaque un pays ou que l’on combat à la guerre ; il est constamment accolé à haina, armée.
« Qu’aucun ennemi (aniya), qu’aucune armée (haina) n’envahisse mon royaume, dit Darius (H. 16) » — « Préserve mon pays de tout ennemi, de toute armée, ajoute-t-il plus loin (id. 19.) »
Aniya aurait-il un autre sens dans la seule inscription du mur d’enceinte du palais de Persépolis ? Cela est en soi-même bien peu probable ; l’examen du texte nous prouvera qu’il n’en est rien. Voici ce texte :
« Yadiy avathâ maniyâhi hacâ aniyanâ mâ tarçam, imam Pârçam Kâram pâdiy Yadiy kâra pârça pâta ahatiy hyd duvaistam siyâtis akhsatâ hauvciy aurd niraçâtiy abi imâm vitham. »
« Si tu penses ainsi : « Que je ne tremble devant aucun ennemi, » protège le peuple persan. Si le peuple persan est protégé, la prospérité ne sera point troublée par les méchants[2]. Que cette prospérité, à Aura (mazdâ), repose sur cette tribu. »
C’est-à-dire : « Si tu veux n’avoir à redouter aucun ennemi, protège le peuple persan. Car si ce peuple reste puissant, ta prospérité sera durable. » On peut aussi traduire, en supposant le tout adressé à Auramazdâ : « Si tu veux que je n’aie à redouter aucun ennemi, alors protège le peuple persan, etc. »
M. Oppert qui voit dans aniya le mauvais esprit, l’adversaire d’Auramazdâ, et dans siyâtis le bon principe, rend cette phrase de la manière suivante :
« Si tu dis : « Il en sera ainsi », je ne tremblerai devant aucun ennemi. Protège le peuple persan. Si ce peuple est protégé, la siyâtis qui a anéanti le méchant trouvera toujours un asile dans cette demeure, ô Aurâ ! »
Cette conjecture est très ingénieuse et met de nouveau en relief la sagacité et la science de son auteur ; cependant nous ne pouvons l’admettre en aucune façon. Yadiy avathâ maniyâhi[3] ne peut signifler « si tu dis ce sera ainsi ; » ces derniers mots,
  1. Voy. Journal asiatique, 1872, p. 293. Communication de M. Oppert. – Op. Le euple et la langue des Mèdes, pp. 186, 192. – Voyez aussi les notes finales.
  2. Ou pendant très longtemps selon le texte et la version de Spiegel.
  3. Comp. Beh. IV. 89, où ces mots ont incontestablement le sent que nous leur donnons.