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24 JUDE L’OBSCL’R maires d’Alfredston, mais il aurait fallu choisir ces livres et les payer, et bien qu’il ne manquât pas du nécessaire, il ne p^sédait pas un liard. A cette époque, M. Phillotson envoya chercher son piano, ce qui donna une heureuse idée à Jude. Pour- quoi n’écrirait-il pas au maître d’école, en le priant de bien vouloir lui envoyer les grammaires de Christ- minster ? Il pouvait glisser sa lettre .dans le couvercle de l’instrument. Pourquoi même ne pas demander à M. Phillotson de vieux cahiers -d’exercices, tout imprégnés de l’atmosphère de l’Université ? Jude mit son projet à exécution sans rien- dire à sa tante, et après quelques jours d’anxiété, il reçut un paquet qu’il alla chercher à la poste même’. Ce paquet contenait deux petits livres. Jude choisit un coin’soli- taire et s’assit sur un orme abattu pour le défaire. Depuis qu’il rêvait de Christminster, Jude avait beaucoup médité sur le procédé probable par lequel on transposait les mots d’une langue dans une autre. Il avait cèncln que la grammaire de la langue en question contiendrait d’abord un mode, un procédé, la clef d’un chiffre secret, qu’une fois connue il n’au- rait qu’à utiliser pour changer à son gré fous les mots de sa langue en ceux d’une autre. Quand, ayant coupé la ficelle du paquet et pris les livres, il ouvrit la grammaire latine, il put à peine en croire ses yeux. - Le livre était très vieux — trente ans au moins — mais ce n’était pas son aspect qui causait la surprise de Jude. Il apprenait, pour la première fois, que la loi de transmutation, supposée par son ignorance, n’avait jamais existé ; et que chaque mot grec ou latin devait être retenu par un effort de mémoiro qui représentait des années de pénible assiduité.